Certains
se saisissent des problèmes que les PME-TPE rencontrent pour
expliquer qu’il faut alléger les charges et les règles. A les
écouter, rien ne serait plus possible et il faudrait aller vers une
remise en question des normes de notre société, rendant encore plus
fragile le contrat social et écologique qui nous lie tous. Mais
faut-il aborder le problème sous cet angle-là ? Qu’est-ce
qui, aujourd’hui, fait obstacle et pourquoi ce ressenti
d’étranglement ?
En
tout premier lieu, il faut évoquer la diversité des PME-TPE, celles
à forte plus-value, celles à faible plus-value, celles à petit
nombre de salariés, celles à grand nombre, celles dont le marché
est local, celles qui exportent, etc… et constater la réalité
différente des taxes et impôts qu’elles assument. Avoir un
discours général à partir d’un cas n’aide donc pas à une
approche appropriée aux différentes problématiques rencontrées.
Ensuite,
il faut constater qu’en 2016, 83% des créations d’emplois ont
été réalisées par les PME TPE, même si elles souvent victimes
d’une certaine forme de précarité liée à l’inconstance des
contrats et aux variations des rentrées d’argent dans la durée,
illustrée par la fermeture de nombreuses entreprises, souvent jeunes
ou n’ayant pas su s’adapter.
Malgré
cette vitalité, l’incertitude liée aux variations du marché, aux
prises de risque, rend difficile pour le chef d’entreprise ou le
collectif dirigeant (conseils d’administration, consultatifs,
assemblées générales de scop, …) de se projeter sereinement dans
l’avenir, d’autant plus que l’accès au financement bancaire
est souvent très compliqué.
De
ce fait, l’embauche reste difficile et certains pensent qu’il
faudrait aller encore plus loin et légiférer pour changer les
statuts et contrats des salariés. Le salarié est décrit comme un
profiteur (faisant généralité d’un cas particulier) et les
prudhommes comme un obstacle – et que dire de l’Inspection du
travail ! -. Pour eux, le salarié serait trop protégé et il
faudrait encore plus de flexibilité pour permettre d’épouser avec
plus de pertinence les variations d’activité et de revenus des
entreprises. La survie des entreprises en dépendrait.
Pourtant
de nombreux dispositifs en faveur de la création d’emplois ont été
édictés récemment. Et le recul doit permettre de se rendre compte
que ces dispositifs ne viennent pas vraiment épauler les PME-TPE ou
SCOP et n’avantagent que les grands groupes ! Pour ne citer qu’un
exemple : le CICE (Crédit Impôt pour la Compétitivité et
l’Emploi) qui représente 40 milliards d’euros par an à
destination des entreprises : selon le rapport officiel de
France Stratégie, peu d’impact sur la recherche et le
développement, ni à l’exportation, ni sur l’emploi (un flou
autour de 50 à 100 000 emplois créés ou préservés – où
est le million d’emplois promis ?) ou les salaires… ni pour
les consommateurs. En effet, en échange du CICE, rien n’est
demandé. Le législateur espère seulement que mécaniquement des
effets se feront sentir sur la création d’emplois. Il est à
craindre que l’argent du CICE soit allé ailleurs, peut-être du
côté de la poche des actionnaires, mais le rapport officiel ne
s’aventure pas à décrire cet aspect-là. Certains disent que la
prise de bénéfice est à hauteur de la moitié de la somme –
financée par les contribuables, rappelons-le.
Mais
un autre acteur de l’économie joue également un rôle dans les
difficultés des PME-TPE ou SCOP : les grandes multinationales
qui s’arrangent pour aspirer tout l’argent public et en
redistribuer la plus grande partie aux actionnaires. Il d’ailleurs
est intéressant de souligner que ces grands groupes se libèrent des
règles imposées aux PME : alors qu’une PME payerait en moyenne 26
à 30% d’impôt, les entreprises du CAC 40 ne contribueraient en
moyenne qu’à hauteur de 8%.
Pour
sa part, et à titre d’exemple, Apple ne paye que 0,005% d’impôt
sur le territoire européen ! Explication : ces dernières
années, du fait de la libre circulation des capitaux, les riches
particuliers et multinationales, avec la complicité des banques et
des cabinets de conseils, profitent d’avantages de juridictions
complaisantes dans d’autres pays. Ce sont ainsi 60 à 80 milliards
d’euros évacués à l’étranger (1000 milliards à l’échelle
de l’Union Européenne), retirés du pot commun, faisant reposer le
coût des dépenses publiques sur l’ensemble de la population et
notamment sur les PME-TPE. Cette somme équivaut au déficit public !
Et si on y ajoute les 90 milliards de niches fiscales, on peut se
rendre compte des sommes colossales qui pourraient être investies
dans l’économie réelle.
Ces
mêmes entreprises licencient également alors qu’elles font des
bénéfices, elles délocalisent l’activité. Au-delà du drame
humain que cela représente et les conséquences sur les
sous-traitants ou l’activité d’une ville, cela représente un
coût pour la collectivité que tous nous devons supporter. TPE PME
également. On peut se rendre compte que ce sont des moyens
financiers très mal utilisés.
Dans
un autre registre, il faut souligner le rôle joué par ces mêmes
multinationales dans l’élaboration de certaines lois qui amènent
à des aberrations telles que les Partenariat Public Privé, bombes à
retardement, cachant l’endettement de la collectivité, gouffre à
argent public, et évinçant petites et moyennes entreprises. Dans ce
cadre, les coûts surestimés de location et d’entretien au profit
de la multinationale captent de fortes sommes d’argent diminuant
d’autant les possibilités d’autres commandes publiques quand ils
ne conduisent pas à une faillite de la collectivité. Il faut
également souligner les effets qu’auront ces grands traités de
commerce (CETA, TAFTA…) taillés sur mesure pour les
multinationales, au détriment des collectivités territoriales, et
placeront les PME-TPE ou SCOP en concurrence directe avec des
entreprises étrangères, états-uniennes, et quand les normes au
rabais et au moindre coût seront la règle. Qu’adviendra-t-il
quand ces multinationales qui sous-traitent déjà à l’étranger
sans s’embarrasser de soucis social, écologique ou de solidarité
territoriale pourront le faire en toute quiétude ici ?
Le
refus de ces Traités commerciaux doit aller de pair avec le refus de
la loi El Khomri qui organise le dumping social au sein d’une même
branche. Il ne faut pas rentrer dans cette logique du moindre coût
et de mise en concurrence des salariés, et des peuples dans le cas
des traités commerciaux. Cela n’apportera que désolation ici et
là-bas. Une logique contraire à ces traités peut se développer
dans la notion de protectionnisme solidaire. Cette logique protège
les PME-TPE ou SCOP.
Au-delà
de ces problématiques, on peut évoquer d’autres points qui
intéressent directement les entreprises :
- La
retraite à 60 ans par exemple : beaucoup d’entreprises
cherchent à licencier les plus de 55 ans. La maintenir c’est
lutter contre le chômage des seniors et favoriser l’emploi des
jeunes.
- La
lutte contre l’euro fort qui favorise l’économie de rente, et
gêne à l’exportation.
- Un
autre mode de consommation et de production impliquant réseaux
courts, retour des commerces en centre-ville, écoresponsabilité,
certifications de qualités ou d’absences de produits polluants ou
dangereux, garantie de non-exploitation des enfants…
Pour
finir, il faut souligner qu’une autre approche concernant la
vitalité des PME-TPE réside dans le refus des politiques
d’austérité. Elles frappent de plein fouet les clients potentiels
et les collectivités territoriales qui peuvent par la commande
publique relancer l’activité !
On
peut parler également d’une autre façon de voir :
coopération, mutualisation des moyens (par exemple autour des
questions administratives) plutôt que compétition. Un fonds de
solidarité interentreprise pourrait être créé pour mutualiser la
contribution sociale entre toutes les entreprises, grandes et
petites, pour assurer la solidarité entre donneurs d’ordre et
sous-traitants.
En
conclusion, il faut mobiliser autrement l’argent pour financer
l’économie réelle : les petites et moyennes entreprises et
la création d’emplois et non les multinationales et les
actionnaires.
- Imaginons
seulement que les 40 milliards du CICE soient investis dans la
transition écologique de notre pays et constatons la somme
d’opportunités ainsi offertes aux PME-TPE permettant autant
d’emplois !
- Imaginons
seulement la création d’un pôle public bancaire qui prêterait à
bas taux aux PME TPE SCOP sur critères sociaux et écologiques
: quelle aide efficace, au service de ces entreprises et de l’emploi
pourrait en sortir ! Il en découlerait plus de soutien et moins
de fermetures.
- Imaginons
seulement une politique agricole qui permette aux acteurs d’une
agriculture paysanne de vivre pleinement de leur métier et au besoin
en assurant leurs débouchés par la commande publique (exemple,
produits bio et en circuit court dans les cantines comme pourrait
l’être l’activité sur le site des Muchaux à Lambersart).
- Imaginons
une politique de relance des PME-TPE et SCOP par la commande
publique, par exemple par la création de 200 000 logements
sociaux par an en renforçant la loi SRU ;
Cela
suppose de prendre des mesures courageuses revenant sur les
phénomènes décrits précédemment, en organisant par exemple une
« Cop fiscale » visant à lutter contre l’évasion et
la fraude fiscale et une harmonisation de la fiscalité des
entreprises dans les pays d’Europe. Ce qui doit être proposé aux
entreprises, ce ne doit pas être d’amoindrir le droit des
travailleurs, ni leur enlever les moyens de défense (Conseils
prudhommaux) mais au contraire de se donner les moyens de maintenir
le contrat social qui nous permet d’envisager l’avenir en commun
sans laisser quiconque sur le chemin. Concomitamment, la
protection des salariés doit être assurée sur le long terme par
une loi pour sécuriser l’emploi et la formation…
Faire
vivre une entreprise ne doit pas être une fin en soi qui, pour ce
faire, viserait à supprimer tout ce qui gêne, normes, règles ou
contrats, mais au contraire de rentrer dans une logique où chaque
salarié doit être considéré et pouvoir prendre part en conscience
au devenir de celle-ci. Le regard doit porter plus loin.
L’entreprise, la coopérative ouvrière, comme le service public
doivent être acteurs de la vie et de l’emploi sur un territoire.
En s’appuyant sur les grands défis écologique et social, les PME
TPE SCOP etc. peuvent entrer dans une autre perspective. Des
économistes ont chiffré à au moins un million d’emplois
possibles dans la lutte pour le climat. Les perspectives sont là,
n’hésitons plus !
Ce
que nous proposons aux PME – TPE ou au SCOP au service de l’emploi
sourd de l’ensemble de nos propositions. Celles-ci proposent des
perspectives potentiellement fructueuses. Alors, pourquoi vouloir
revenir sur le droit du travail ? A contrario, nous
pensons que les salariés doivent être davantage impliqués dans les
prises de décisions au sein de chaque entreprise.
Le
modèle économique actuel que nous suivons depuis de nombreuses
années et que nous voulons poursuivre, coûte que coûte, fait la
preuve quotidiennement de son inefficacité : le nombre de
chômeurs, précaires, exclus explose, le pouvoir d’achat se
réduit, nos biens communs dont les services publics sont mis à mal,
alors que les richesses se concentrent dans les mains de
quelques-uns, huit milliardaires américains possèdent le moitié du
patrimoine mondial et la fortune des assujetti-e-s à l’ISF a
doublé en 5 ans.
Nous
sommes en situation d’urgence sociale et écologique, situation qui
a été générée par les politiques actuellement en œuvre. Ne
conviendrait-il pas de sortir de cette pensée unique pour entrer
dans une autre logique apte à répondre aux grands défis qui
s’ouvrent devant nous, favorisant une économie répondant aux
besoins de tous ?
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